Un million. C’est le nombre de personnes qui seraient touchées par les troubles du comportement alimentaire en France : anorexie, boulimie, orthorexie, mommyrexie, etc. Et ce chiffre n’a de cesse de croître avec les évolutions de notre société, dont les injonctions faites aux femmes se font toujours plus insidieuses. Les victimes étant souvent les plus jeunes d’entre-nous, et des femmes à 90%. Quel rôle ont les réseaux sociaux face à cette tendance inquiétante ? En sont-ils une des causes ? Ou sont-ils un soutien pour s’en sortir, au contraire ? C’est la question que je me pose souvent, en tant que community manager, car sur les réseaux sociaux on voit passer le pire comme le meilleur. Leur impact sur notre quotidien est aujourd’hui décuplé, et si certains utilisateurs sont bien inconscients de la puissance de l’outil qui leur sert de porte-voix, d’autres ont bien compris comment le mettre à profit… parfois aux dépens des plus influençables. J’ai sollicité l’avis d’une professionnelle de l’alimentation et psychologue, Laurence Haurat, qui est également l’auteure de nombreux ouvrages (notamment “Ex-fan des régimes”).

Merci à Laurence pour son chaleureux accueil au sein de son cabinet bordelais.
Nous avons eu un long entretien, et considérée notre passion commune pour ce vaste sujet qu’est l’influence des réseaux sociaux sur nos vies, il m’a été difficile de retranscrire ici toute la substance de nos échanges. Néanmoins, laissez-moi vous embarquer avec nous, pour cette conversation hautement enrichissante au coeur des réseaux sociaux…

Les diktats d’une beauté chimérique

S’il y a un concept qui est subjectif, c’est bien celui de la beauté ! Pourtant, depuis l’avènement des réseaux sociaux, on remarque plusieurs courants de mode corporelle démontrant une exceptionnelle volonté de définir ce qu’est la vraie beauté. J’ai bien écrit mode corporelle, comme si la fast-fashion (mode jetable) s’appliquait désormais aux corps… D’ailleurs, si vous êtes connecté, vous vous rappellerez sûrement les #StrongIsTheNewSkinny, le #BubbleButt, les #BackDimples ou le #ThighGapChallenge mais aussi le #AbCrack… ces tendances mettant en avant une seule partie de votre corps, pour l’ériger en critère de beauté suprême. Comme si nous ne nous résumions plus qu’à quelques centimètres cubes de notre être.

J’avais initialement prévu de montrer à Laurence près d’une dizaine de comptes d’instagrammeuses très populaires, afin de l’immerger totalement dans l’univers de ces starlettes d’Instagram. Visiblement, un seul compte a suffi à lancer la conversation… celui d’Emrata (ou Emily Ratajkowski). Je lui ai raconté comment à partir d’une simple photo, cette femme a initié sans le vouloir des tendances dangereuses chez les adolescentes.
Vous souvenez-nous du fameux “ab-crack” ? Littéralement “fente abdominale” ? Les très jeunes femmes s’étaient mises en tête de dessiner leurs abdos à la manière du mannequin : avec une fente au milieu.

emrata ab crack

Nous avons chacune une morphologie qui nous est propre et ce ab-crack ne peut pas apparaître chez tous les corps.” rappelle Laurence Haurat.

En fait, vouloir un “ab-crack” ou un “tight gap” lorsqu’on n’est pas programmé pour en avoir un, serait un peu comme demander à son corps de faire 5cm de plus ou encore de changer de couleur d’yeux. Aucun régime ne vous permettra d’atteindre ces objectifs loufoques si votre corps n’y est pas destiné, aucune séance de sport non plus.

Et cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres. Comme si une seule partie de notre corps pouvait représenter, dans son unicité, un critère de beauté. Là encore, ce sont les plus jeunes d’entre-nous qui s’adonnent à ce genre de défi, et relèvent par exemple le temps d’un été, un “tight gap challenge”… mettant les deux pieds dans le début des troubles du comportement alimentaire et tout ce que cela implique comme répercussions psychologiques et physiques.

Quand le selfie fait partie du quotidien

L’expansion des réseaux sociaux d’images et de vidéos poussent les gens à alimenter leurs galeries et “stories” de manière continuelle. Pour cela, il est nécessaire de partager des morceaux de son quotidien mais aussi son visage, son corps. À trop se photographier, se regarder, nous sommes aussi plus enclins à développer des complexes injustifiés.

Aujourd’hui, les adolescentes ne se comparent plus aux mannequins des magazines mais aux “Instababes”, ces femmes à la plastique soit-disant parfaite et aux visages de poupées. Mais savent-elles combien ces modèles d’Instagram ont dû débourser en chirurgie esthétique pour ressembler à ce qu’elles sont aujourd’hui ?

Morceaux choisis :

instababes

Nita Kuzmina

instababes

Miss Alena

J’ai demandé à Laurence Haurat si elle avait observé un lien notable entre l’augmentation de l’usage des réseaux sociaux par les préadolescents, et l’âge toujours plus précoce de déclenchement de certains troubles du comportement alimentaire. Elle n’a pu répondre directement à cette question, car elle nécessite une étude préalable, mais elle soupçonne effectivement une influence conséquente des réseaux sociaux sur certains publics sensibles. Notamment lors de l’adolescence, période où l’on construit son identité.

Elle m’a confié recevoir en consultation des parents s’inquiétant de la prise de poids importante de leurs enfants. Ainsi, il n’est pas rare pour elle de devoir éduquer un papa ou une maman inquiète, et les rassurer quant à leurs émois souvent injustifiées. D’autres fois, ce sont même de très très jeunes enfants qu’on souhaite amener dans son cabinet…

“La petite fille avait trois ans seulement. Son poids ne sortait pas des courbes, elle était juste un peu au-dessus de la moyenne… Je n’ai accepté de recevoir que la mère en consultation. En fait je ne reçois aucun enfant de moins de 12 ans car dans ces situations, ce sont les parents qu’il faut aider. Dans ce cas précis, c’est à la mère de faire son chemin pour respecter le corps de son enfant.”

Laurence m’a confié qu’il lui arrivait d’accueillir parents et enfant séparément… pour évaluer le niveau de souffrance de ce dernier, et l’aider à remettre les bons mots sur les bonnes sensations. C’est tout un travail de rééducation que la psychologue et nutritionniste doit réaliser dans ce type de situation. Elle éclaire les parents :

“Il faut prendre l’enfant dans sa globalité, une courbe de poids seule n’indique pas grand chose.”

On connaît les conséquences des mots trop durs de parents tourmentés par le poids de leur enfant. C’est destructeur. Mais si les parents, leurs mots, leurs actes, ont des conséquences lourdes sur l’identité de leur enfant (la jeunesse étant cette période charnière de notre construction personnelle), on ne peut nier qu’il en est de même pour les réseaux sociaux, qui font désormais partie de leur quotidien. Inutile de rappeler qu’il n’existe pas de contrôle parental sur Instagram, facebook ou encore Twitter (même si en théorie, aucun enfant de moins de 13 ans n’est supposé avoir de compte social, facebook n’a jamais entrepris le moindre contrôle d’identité).

A ces jeunes publics, Laurence souhaite rappeler :

“Il faut se souvenir que les réseaux sociaux ne sont qu’une toute petite lucarne sur le monde, et qu’ils ne constituent pas la réalité.”

Le poids des réseaux sociaux

Dysmorphophobie : “la crainte obsédante d’être laid ou mal formé.”

Avec Laurence, nous avons aussi parlé de ces personnes qui passent systématiquement par un logiciel de retouche avant d’oser poster leurs photos sur les réseaux sociaux. Attention, je ne parle pas des petites retouches esthétiques pour transformer la couleur de fond, mettre un filtre d’ambiance ou encore gommer un petit détail gênant. Je parle de retouches qui transforment l’essence de la personne, celles qui donnent l’illusion que sur cette photo, c’est vous, en mieux. Enfin, surtout en mieux pour vous.

Portable en main, j’ai fait une démonstration à Laurence pour lui prouver qu’en 10 secondes et à l’aide d’une application gratuite, on pouvait au choix :

  • perdre 9 cm de tour de taille
  • s’enlever 1/5ème de surface des joues
  • agrandir légèrement ses yeux
  • redresser et affiner son nez
  • se dessiner une cambrure dans le bas du dos
  • perdre 6 kg de cuisses
  • etc, vous avez compris 🙂


En effet, des applications FaceTune ou encore Instabeauty ne nécessitent aucune connaissance technique préalable, aucune carte bancaire, et permettent à tous de se retoucher de manière quasi instantanée. Jusqu’à totalement transformer son image.

J’ai demandé à Laurence Haurat ce qu’elle pensait des femmes tombées dans l’addiction de la retouche photo, et des répercussions induites par ce comportement (plus répandu qu’on ne l’imagine).

A force de transformer son corps avec ce genre d’applications, et de ne renvoyer que cette image aux autres, il peut y avoir une dissociation entre numérique et réalité. On vit dans un mythe, une légende forgée grâce à ces outils. A partir du moment où elles essaieront de se modeler, ces personnes seront dans l’échec.”

dysmorphophobie

Louise Aubery, de My Better Self, se moque de sa dysmorphophobie.

“Une personne fragile pourrait même éviter les rencontres physiques, de peur d’être jugée… je l’ai déjà observé. Accusant une prise de poids de plus de 15 kg, une patiente déclarait pourtant qu’elle ne s’était pas vue grossir. Depuis, elle refusait le face à face avec d’anciennes connaissances à cause de la peur de s’imaginer ce à quoi l’autre peut penser. C’est terrible de se projeter dans l’esprit de l’autre.

C’est bien souvent en regardant les photos ou par leurs habits que les gens réalisent qu’il y a eu prise de poids.

Mais Laurence Haurat ne reçoit pas que de très jeunes femmes à son cabinet. Elle m’a expliqué le cas d’une patiente, révélateur d’un mouvement plus global :

“J’ai reçu il y a peu, une quinquagénaire me demandant de lui faire retrouver ses 50 kg. Je lui ai demandé quand avait-elle pesé ce poids pour la dernière fois, et elle m’a indiqué qu’elle ne l’avait pas revu s’afficher sur la balance depuis la terminale !
Ce que les gens ignorent, c’est que le corps finit réellement de prendre son aspect adulte vers 22 ans pour les femmes. Avant, il n’a pas totalement terminé de se construire. Parler de corps d’avant est un état fugace et vouloir retrouver le corps que l’on arborait au lycée relève du fantasme. Il y a une fusion corps rêvé-réalité.”

Instagram, groupe de soutien géant ?

Je n’ai pas eu le temps d’évoquer ce sujet auprès de Laurence Haurat, mais Instagram c’est aussi pour beaucoup un groupe d’entraide. Pour se remettre au sport, pour débuter un régime, pour lancer une nouvelle activité, mais aussi de plus en plus pour sortir des troubles du comportement alimentaire.

Les hashtags #EDRecovery (Eating Desorders), #BeatAnorexia sont devenus extrêmement populaires, et maintiennent un certain équilibre (ou une schizophrénie totale ?) vis-à-vis des comptes édifiant la minceur comme critère de beauté numéro un.

Ainsi, des blogueuses comme Clarissoho ou Alexia Savey qui est également conférencière et auteure, n’hésitent pas à partager leur combat au quotidien contre l’anorexie. De par les messages inspirants et emprunts de résilience qu’elles diffusent, c’est toute une communauté solidaire qui s’organise autours d’elles afin de se sortir de la maladie. D’ailleurs, le mouvement créé par Alexia reprend cette théorie “Together to get better”.

Alexia Savey

Alexia Savey

Clarissoho

Clarisse R.

Body acceptance : une rébellion nécessaire

Depuis deux ou trois ans, une nouvelle vague a envahi les réseaux sociaux. La beauté est toujours au premier plan certes, mais elle a un nouveau visage. Un visage, et un corps, qui souhaitent désormais s’exempter des schémas auxquels on a trop souvent voulu les faire coïncider.

“Il est compliqué de faire évoluer l’image de soi. L’image corporelle se construit d’un bout à l’autre de la vie”

Elles sont mannequins, blogueuses, speakers, entrepreneuses, et elles inspirent cette body acceptance (ou self-acceptance pour acceptation de soi) chaque jour à des millions de femmes. Un mouvement qui prône la rébellion contre les diktats de la minceur et les critères de beauté imposés. Elles en ont fait leur créneau, et célèbrent chaque jour leurs capitons, leurs cuisses, leurs fesses mais aussi parfois leurs poils !

Parmi elles :

  • Iskra, mannequin britannique (désormais grande-taille)
  • Louise de My Better Self, étudiante et thinker
  • la star américaine Ashley Graham
  • plus localement, la blogueuse Chloé avec #JambesQuiSembrassent
  • mais aussi Alexandra
  • et Anne-Laure qui s’est récemment confié sur sa sortie de la boulimie #MoveYourPeach


Certaines de ces femmes sont devenues de véritables médias, leurs images sont partagées en masse… Laurence Haurat s’est intéressé de près à cette tendance qu’est la “Body Positivity” (ou #BOPO sur les réseaux sociaux) ces derniers mois. Si elle la trouve formidable et nécessaire de prime abord, elle a souhaité partager une réflexion sur la manière dont les messages sont diffusés.

“Ces femmes peuvent inspirer, comme elles peuvent aussi renvoyer les gens à leur médiocrité.”

Laurence soulève un point auquel je n’avais jamais songé : la violence de l’image envoyée aux femmes mal dans leur corps.

“Quand on est bien dans sa tête et dans son corps, on n’a pas besoin de recevoir des likes ou des commentaires pour en être assurée. S’assumer sur les réseaux sociaux, c’est aussi remettre une pression supplémentaire aux autres. Pour avoir un véritable impact positif, il faudrait que ces femmes rayonnantes partagent davantage leur parcours personnel. Qu’elles n’occultent pas leur cheminement pour en arriver jusqu’à cette confiance en soi. C’est cela qui peut vraiment inspirer les autres, plutôt que de belles images travaillées, dont on a du mal à faire le lien avec sa propre réalité, en décalage.
Un autre détail me dérange. Ces femmes s’assument tout en se présentant sous leur meilleur jour dans chacune de leurs photos… Un peu plus de naturel permettrait de rendre plus accessible cette body positivity.

“Mais cela a du sens de faire contrepoids.”

Et elle a raison Laurence.

Il est vrai que lorsque je songe à la marque Any Body Co (des maillots tendances, pour toutes les tailles) et à ses deux égéries, je me demande parfois si ce mouvement ne se complait pas dans une certaine hypocrisie. Les deux jeunes femmes sont justement magnifiques, bien que leurs corps soient d’une stature différente.
Alors quelle conclusion tirer de ce type de campagne ? Faut-il avoir un visage de ce type pour finalement avoir le droit d’assumer ses formes ? Ne peut-on être grosse* qu’à condition d’être belle ?

*Ce terme ne désigne pas cette jeune femme, naturellement.

body positive

Heureusement, certaines jouent le jeu de la transparence et reviennent sur leurs expériences passées, leur long chemin vers l’acceptation de soi, et les embûches qu’elles ont rencontrées, afin d’inspirer toujours plus de femmes. C’est cela que recherche Laurence Haurat dans la body positivity, l’authenticité, la sincérité. D’ailleurs, la plupart des ambassadrices de Body positivity citées plus haut ont publié un article expliquant leur relation avec leur corps, parfois aussi avec leurs troubles alimentaires, et racontant leur évolution jusqu’à la rencontre une certaine sérénité :

Pour Laurence Haurat “On a le droit d’être soi sans devoir être belle. Sinon, c’est remettre une autre injonction aux femmes. Il faut que chacune se réapproprie son corps et ses propres critères.”

En bref, on voudrait plus de Céleste Barber pour déconstruire les clichés !celeste barber

Ici en train de singer Kim Kardashian, à sa manière 🙂

Influenceurs et community managers : quelle responsabilité ?

Caroline Receveur, actrice et entrepreneuse suivie par 2,5 millions de followers n’hésite pas à vanter les mérites de ses thés “amincissants”. Pourtant, la jeune femme possède une communauté constituée essentiellement de très jeunes gens (on s’en rend compte à la lecture des commentaires) qui l’adulent totalement.

caroline receveur wander tea

Noholita, blogueuse mode suivie par plus de 610 000 followers, n’hésite pas à se qualifier “d’obèse” dans ses stories lorsqu’elle fait un gros plan sur le reflet de son postérieur (postérieur ne remplissant pourtant qu’un jean en taille 36, assez éloigné donc de l’image qu’on a du fessier d’une personne obèse).

Kayla Itsines propose ses BBG “Bikini Body Guide”, soit un programme de 12 semaines pour changer de corps… À coup de photos de transformations physiques étonnantes, elle vend son ebook magique. 

bbg kayla

Laurence Haurat avait déclaré très justement dans une précédente interview que :

Le poids idéal, c’est le poids qu’a notre corps quand on n’a pas besoin de se battre. On a un poids, comme on a une taille.”

Pourtant, Kayla invite ses abonnées à subir des séances de torture sportive afin d’atteindre un idéal pour lequel elles ne sont pas constituées. Les conséquences sont ravageuses.

Mais enfin, à partir de quand un influenceur prend-il en considération le fait qu’il (elle) a un devoir d’exemplarité ? A partir de quand considère-t-on que notre influence nous dépasse et qu’on doit à tout prix en faire bon usage ?
Ce qui me dérange, ce n’est pas que ces femmes utilisent leur popularité digitale pour faire du marketing, c’est plutôt l’absence d’encadrement de ce marketing sur les médias sociaux. On observe nombre de campagnes insidieuses et adressées à des publics cibles souvent très jeunes, qui ne font pas toujours la distinction entre pure communication commerciale et réalité.

Et cela n’est pas valable que pour les influenceuses et influenceurs bien entendu, car les community managers sont également responsables. Ils sont au-devant de la scène. C’est aussi mon métier, alors je m’interroge… et je vous interroge.

Vous voyez, au début de l’année encore, la loi concernant l’obligation de faire apparaître la mention “photo retouchée” sur le cliché d’un mannequin effectivement retravaillé via Photoshop est entrée en vigueur. Mais les plus jeunes, feuillettent-elles encore ce genre de magazines ..? Non bien entendu, les jeunes sont sur les réseaux sociaux. Et ils ingurgitent des flots continus d’informations, d’images, sans bouton “stop” pour arrêter de scroller. C’est sur Instagram ou Snapchat que les jeunes échangent le plus, et confondent parfois monde réel et marketing d’influence. Pourtant, aucune instance n’a pour l’instant décidé de mettre le doigt sur ce souci d’ordre éthique.

“Les influenceurs sont comme tout amplificateur à qui on laisse un mégaphone entre les mains.”

Laurence m’explique le parallèle entre les communautés sur les réseaux sociaux et par exemple, une ville. Les citoyens de chaque ville peuvent s’impliquer dans la vie de celle-ci, à leur niveau. Elle propose de s’imaginer, nous, simples utilisateurs, influenceurs, ou community managers, comme citoyens de ces réseaux sociaux.

“Ainsi, un influenceur pourra se demander quel genre de message il souhaiterait porter. Que fait-il se son influence ? Un community manager, qui a une forme de responsabilité dans le contenu qu’il créé, pourra aussi s’interroger sur son impact.”

J’ai évoqué auprès de Laurence Haurat mon inconfort face à l’absence de cadre sur les réseaux sociaux.

“Étant donné que 70% des métiers de demain ne sont pas encore connus aujourd’hui, il existe un fort besoin de professionnalisation. Il n’y a pas d’encadrement pour le moment, mais cela viendra. Et le plus tôt sera le mieux, car il existe un énorme paradoxe entre la résonance que peuvent avoir les propos d’un community manager et le manque de contrôle. Les gouvernements sont trop lents à réagir, il ne faut pas les attendre.”

Une étude américaine, a annoncé que le lien entre réseaux sociaux et TCA était avéré (même si on ne sait pas clairement si ce sont les réseaux sociaux qui alimentent ces troubles ou l’inverse).

Enfin, bien que les réseaux sociaux soient le lit de toutes les tendances les plus extravagantes en matière d’apparence physique, ils sont aussi un formidable outil de soutien pour qui sait bien les utiliser. Rappelons aussi que pour inspirer les personnes victimes de troubles du comportement alimentaire ou de mauvaise image d’elles-mêmes, rien ne vaut la transparence… Exprimer une confiance en soi à toute épreuve ne renverra l’autre qu’à son malaise face à sa maladie, il faut au contraire être vrai et cesser d’ériger le zéro défaut comme mythe à atteindre.
Comme m’y a précisément invité Laurence, c’est aussi à nous, professionnels des réseaux sociaux, d’éduquer aux bonnes pratiques. Elle m’a rappelé que moi-même je me refusais toute diffusion du visage de mes enfants sur la toile car j’avais pleinement conscience de tous les risques liés à ce partage… Mais combien de photos d’enfants vois-je défiler chaque jour sur Instagram et facebook, sans pour autant interpeller les mamans (qui le plus souvent, ignorent la portée de cet acte) ?

Je pense que c’est à chaque individu de se poser la question de son impact… Quid d’une charte, une alliance, ou une association d’influenceurs et community managers prônant les valeurs d’un contenu éthique ? Laurence Haurat me rejoint sur ce point, cela serait sans doute ce qu’il y a de mieux à mettre en place afin de palier à un manque d’encadrement de la part des institutions

“Je crois que si chacun commence à s’interroger sur ses pratiques, et à inviter à la réflexion quant à cette responsabilité collective, alors cela constituerait un tas de petites graines de pensées… et des graines ventilées comme les réseaux sociaux savent le faire, cela peut donner de très belles choses.”

Au plaisir d’en discuter avec vous 🙂